Chapitre 1 : L’inconnue
Murtagh marchait dans l’un des nombreux couloirs du château de Galbatorix. Il revenait d’une promenade dans les rues d’Urû’ baen, capitale du tyran. La démarche souple et rapide, la tête haute et droite, il se dégageait de lui une impression de jeunesse et de force, relevée par une confiance en soi et une beauté à couper le souffle. De loin, il vit arriver le chef de la garde et une jeune femme, entièrement habillée de noir, une capuche masquant son visage, ne laissant apparaître que le menton et les lèvres de l’inconnue. Elle aussi inspirait la puissance, mais pas de la même façon que le fils de Morzan. Non, l’inconnue semblait dominer les autres, les écraser sous sa force. Alors qu’ils se croisaient, le garde et Murtagh hochèrent brièvement la tête, salut silencieux d’un père à son fils. Effectivement, le chef de la garde était Tornac, le père adoptif de Murtagh. Le jeune homme tenait son habileté à l’épée de son père adoptif, qui lui avait tout apprit, même si Tornac répétait souvent que son fils avait un don inné pour le maniement d’une épée.
Continuant son chemin comme si de rien était, Murtagh se rendit dans sa chambre, s’enfonçant dans les profondeurs du sombre château. Il s’assit sur son lit et réfléchit longuement à propos de l’inconnue qu’il venait de voir. Que faisait-elle au château, pourquoi était-elle habillée comme un homme, et armée qui plus est ? L’impression de puissance qui se dégageait d’elle semblait magique, était-elle sorcière, ou magicienne ? Et surtout, qui était-elle ? Tant de questions pour si peu de réponses. Finalement, il se résigna à attendre le retour de Tornac, bien qu’impatient et curieux.
Ce ne fut que tard le soir que le soldat rentra, fatigué et en sueur. Il travaillait aussi à l’entraînement des jeunes soldats, et venait de finir une série de combats qui lui permettait de voir le niveau des ses apprentis. Ignorant Murtagh qui avait bondit sur ses pieds pour l’interroger, Tornac se rinça le visage et enleva l’armure qui le protégeait. Bien qu’en pleine forme, il vieillissait, et prenait maintenant le temps de faire ce qui avait à faire, profitant de la vie. Enfin, après s’être rassasié et réhydraté, il s’assit et laissa à Murtagh le temps de poser ses questions. Ce dernier ne se fit pas attendre.
- Qui est la femme que vous accompagniez ?
- Elle s’appelle Glorya, c’est tout ce que je sais. Répondit tranquillement le soldat.
- C’est tout ? Murmura Murtagh, déçu.
- Hum, je sais aussi que c’est une vieille alliée de Galbatorix.
- Elle n’a pas l’air bien vieille pourtant… Ironisa le jeune homme.
- A mon avis, il y a de la magie là dedans, et qu’est-ce que je te dis tout le temps à propos de la magie et des personnes qui s’en servent ? Rétorqua sérieusement Tornac.
- Qu’il ne faut pas se mêler de ce genre d’affaires… Récita Murtagh, las.
- Bien, maintenant va te coucher ! Conclut son père adoptif.
- Mais il est encore très tôt ! Grommela le brun.
- Eh bien dans ce cas, occupe toi en silence.
Ceci mis fin à la discussion, et Murtagh sortit. Le jeune homme traversa tout le château pour se rendre aux écuries, où il retrouva Tornac, 2ème du nom, son cheval. Il l’avait reçu lorsqu’il était encore jeune, et le cheval était alors poulain. Maintenant, ils avaient respectivement 10 et 18 ans. Regardant les autres chevaux d’un œil distrait, il ne remarqua pas tout de suite le nouvel arrivant. Cependant, lorsque celui-ci se mit à taper la porte de son box, Murtagh sursauta et vit le cheval. Il était racé, d’un noir d’encre, et semblait fait pour la vitesse sur une longue distance. S’approchant prudemment, il admira la magnifique bête, avant de tendre doucement la main, dans le but de caresser l’étalon. Celui ce contenta de le regarder avec un œil goguenard.
- Un œil goguenard ? N’importe quoi, c’est un cheval voyons ! Se reprit Murtagh à haute voix.
Et il tendit la main, caressant la bête. Enfin, il essaya, car à 1cm de l’encolure de l’étalon, la main du jeune homme avait été stoppée, par un mur invisible. Fronçant les sourcils, le fils de Morzan tenta de forcer le passage, sans succès. Abandonnant au troisième essai, il jeta un regard déçu et désolé à la bête, et murmura.
- Tu m’a l’air aussi mystérieux que ta propriétaire…
Car il n’avait pas de doute là-dessus, seule l’inconnue pouvait posséder un cheval pareil, et de toute manière, la logique lui donnait raison. Etant la seule personne arrivée récemment au palais, le cheval ne pouvait que lui appartenir.
Et il quitta l’écurie, après une brève caresse à son cheval. Il n’était resté qu’un petit quart d’heure en compagnie des deux équidés, mais il était déjà fatigué, donc il alla se coucher.
Le lendemain il se réveilla alors que le soleil se levait. Murtagh se rinça le visage dans le seau d’eau posé dans un coin de la pièce puis s’habilla, saisit son épée, et se rendit dans la cour intérieure du palais, où les chevaliers s’entraînaient. Il fit quelques étirements puis engagea un combat contre des ennemis invisibles. Une voix grave, narquoise et assez moqueuse le coupa dans son élan alors qu’il s’abaissait pour éviter une lame d’un Urgal particulièrement coriace.
- Alors Murtagh, on se bat avec son ombre ? Tu n’as toujours pas trouvé un ennemi à ta hauteur ?
Un jeune soldat, à peine fatigué par le combat difficile qu’il venait de mener un contre chef d’escouade, venait d’apostropher le fils de Morzan. Ce dernier se redressa et pivota lentement vers son interlocuteur, resserrant presque douloureusement sa main sur la poignée de son épée.
- Jillan’gi. Que me veux-tu ? Interrogea Murtagh, s’attendant au pire face à son rival.
- Moi ? Rien, juste un petit combat à l’épée. Répondit nonchalamment le jeune soldat.
Depuis qu’ils étaient en âge de se chamailler, le meilleur élève de Tornac et son fils adoptif se vouaient une haine sans faille. Murtagh n’avait que faire de Jillan’gi, mais ce dernier ne pouvait pas voir le brun en peinture et le provoquait souvent. Ce qui marchait bien d’ailleurs, car Murtagh répondait rapidement aux provocations. C’était un garçon après tout.
Lâchant un soupir résigné, le brun se mit en garde, acceptant le défi. Il allait gagner, il en était sur. Après tout, son rival n’avait jamais gagné à la loyale, toujours en trichant. Ils comptaient au total 29 victoires pour Murtagh et 9 pour Jillan’gi.
Celui-ci ce jeta sur son rival sans prévenir, chargeant l’épée en avant. Vif et agile, Murtagh s’écarta de la trajectoire du soldat et abattit le plat de sa main dans le dos de l’attaquant, l’étalant à terre. Il n’attaqua cependant pas, car le combat le lassait déjà. Se relevant en grognant, Jillan’gi prit à peine le temps de s’épousseter et attaqua Murtagh en se lançant dans une démonstration de force. Epées croisées, ils luttaient pour ne pas céder un pouce de terrain vers le corps de l’autre. Bien que plus imposant que le brun, le soldat ne réussit pas à battre Murtagh à ce jeu de force, car, voyant que le colosse allait prendre l’avantage, le fils de Morzan s’écarta prestement et arracha l’épée des mains de Jillan’gi, la jetant au loin avant de coller le plat de la lame contre la gorge de son adversaire. Il lui susurra à l’oreille.
- 30.
Puis Murtagh quitta le terrain d’entraînement, laissant son rival méditer sa nouvelle défaite.
Le jeune homme se rendit une fois de plus dans les écuries, où il sella Tornac avant de le sortir dehors. En passant devant le box du cheval de l’inconnue, il remarqua que celui-ci avait été pansé. L’inconnue était toujours là, et ne comptait pas partir tout de suite, vu que le matériel d’entretien avait été posé devant la porte.
-Tant mieux, nous aurons plus de temps pour découvrir le secret de l’armure magique qui entoure ce cheval… Murmura Murtagh, tendit que Tornac piaffait d’impatience à l’idée d’aller se promener.
Sa robe pommelée semblait plus claire sous le soleil d’été. Alors qu’il montait sur l’étalon, Murtagh vit un régiment de gardes sortir du château et se diriger vers la sortie de la ville.
Le jeune homme les regarda s’éloigner, réfléchissant à ce qu’ils allaient faire. 30 hommes quand même. La chose devait être importante. Dommage que Jillan’gi ne soit pas avec eux.
- Bah, les affaires de Galbatorix ne concernent que lui hein mon beau ! Conclut le brun, parlant à Tornac, avant de le talonner pour avancer.
Murtagh se promena toute la matinée dans les bois, puis lança Tornac au grand galop, se laissant griser pas la vitesse. Arrivé en vue des portes, il ralenti et rentra dans la ville au petit trot, aussi joyeux et détendu que son cheval. Il ramena l’étalon à l’écurie et le pansa, avant d’aller manger. Tornac, son père adoptif, était sûrement en train d’entraîner de jeunes soldats, donc Murtagh renonça à l’idée d’aller l’affronter dans un combat amical, ou du moins pas tout de suite. Dans sa chambre, le jeune homme prit son arc avant de retourner dans la cour intérieure pour s’entraîner. Bien qu’une odeur bizarre lui sembla flotter dans la chambre, il ignora son odorat et sortit.
Le crépuscule approchait lorsque Murtagh cessa de tirer des flèches. Il était le dernier, avec Tornac. Tout deux se livrèrent à un combat amical, avant d’aller manger. Un serviteur vint voir Murtagh et lui dit que Galbatorix souhaitait le voir. Etonné, le fils de Morzan jeta un regard d’excuse à Tornac puis suivit le serviteur. Un conseil de son père, maître et ami lui revint en mémoire.
Murtagh, je sais que Galbatorix t’a charmé avec son discours, mais ce ne sont que des mensonges, alors méfie toi de lui la prochaine fois qu’il voudra de parler.Haussant les épaules, le brun se dit qu’il aviserait, puis il pénétra dans la salle du trône. Normalement, Galbatorix était assis sur son trône d’or massif, régnant d’une main de fer sur l’Alagaësia, mais là, le souverain semblait être dans une rage folle. Il marchait de long en large, marmonnant des insultes et criant de rage. A quelques mètres de lui, l’inconnue avait posé un genou à terre et baissait la tête en signe de soumission.
Soudain, le roi s’arrêta et se tourna vers elle.
- Il faudra que tu m’expliques pourquoi tu t’inclines devant moi alors que ce n’est qu’hypocrisie et mensonge.
L’inconnue ignora le ton acide et piquant du tyran et répondit sincèrement.
- Parce que je vous respecte. Que fait ce jeune homme ici ?
- C’est le fils de mon plus fidèle serviteur, Morzan. Il se nomme Murtagh. Il va nous aider à purger ce pays des traîtres qui l’habitent. Murtagh, je t’ordonne de prendre la tête d’un de mes détachements de troupe et d’aller détruire Cantos ! Brûle tout les habitants et recouvre leurs cendres de fumier ! Glorya, je te charge de trouver et de tuer le nouveau dragonnier, à moins qu’il ne rejoigne ma cause. Exécution ! Aboya Galbatorix.
Murtagh quitta la salle le plus vite possible tout en essayant de rester naturel. Il refusait de tuer des habitants innocents. Il décida qu’il fuirait Urû’ Baen le soir même, avec son cheval et son père adoptif. Il courut jusqu’à sa chambre et se qu’il y découvrit le figea d’horreur.
Tornac était mort, brulé au dernier degré. Quelqu’un avait enduit les draps de son lit d’huile de Seirth modifiée. Galbatorix voulait la mort d’un de ses soldats les plus compétents. Il était fou.
Murtagh décida de ne garder avec lui que son arc, son épée et les vêtements qu’il portait sur lui. Il fila jusqu’aux écuries, sella Tornac et s’enfuit dans la nuit. Il était tellement pressé qu’il ne vit même pas que le cheval de la dite Glorya avait disparut…